En Bref : la poularde au vin jaune à cœur ouvert
- L’ingrédient ne tolère pas la médiocrité : poularde choisie, vin jaune charismatique, morilles capricieuses, chaque bouchée doit respirer la ferme, la cave, la forêt, et tant pis pour l’industrie.
- La cuisson se joue sur un fil : patience quasi olympique, découpe soignée, sauce onctueuse, attention au velours, tout surplombé d’une angoisse joyeuse.
- L’accord parfait, c’est l’instant : simplicité, famille, bonnes alliances, et ce supplément d’imperfection qui fait le souvenir.
La présentation de la poularde au vin jaune
Ah, la poularde au vin jaune : un nom qui sent déjà le Jura, le vrai, celui des vallons, du vent qui s’invite entre deux arômes de cheminée allumée et de nappes blanches qu’on redoutait de tacher enfant. Sur une table de village ou en ville, peu importe, ce plat traîne forcément derrière lui une anecdote familiale ou le souvenir diffus d’un dimanche entier à voir mijoter la volaille. Personne n’en parle jamais sans sourire ou raconter qu’un secret de famille traîne dans la sauce.
Que cache la tradition gastronomique du Jura ?
Oui, il faut une pincée de magie et une pelletée de rigueur culinaire. Imaginez : tout s’organise, le vin jaune trône dans sa bouteille trapue, la poularde attend, potelée, dans le froid, et la cheminée, pas loin, éclaire de ses reflets incertains votre impatience. On partage, on discute de cet éternel débat : vin d’Arbois ou vin jaune ? Qui laisse vraiment choisir son vin devant la belle-mère sans avoir peur d’une null défaite d’honneur ? Côté préparation, rien ne s’improvise. Les morilles, cheffes d’orchestre du parfum, s’entremêlent voluptueusement à la sauce, crémeuse, onctueuse, au point que la patience se mue en prouesse olympique. La poularde de Bresse, cette reine discrète mais indiscutable : parfois trop snob, toujours d’actualité. Autour, les morilles, un peu capricieuses, oscillent entre générosité moelleuse et cette pointe d’arrogance sauvage des forêts d’après-pluie. Et on l’avoue parfois : réussir cette sauce relève d’un sport où l’improvisation n’a pas sa place, juste quelques coups de cœur et beaucoup de débats sur qui aura la plus belle part !
Sous la toque, tout s’organise. Certaines convictions sont abruptes : beurre ou huile, crème à fouetter ou crème de ferme, jeune vin jaune promis à la légende ou cru déjà mythique, on tranche. La chair tendre salue la puissance du vin jaune, la morille tient la traîne… et soudain, la sauce prend, nappe tout ça, et plus rien ne compte. Vous sentez la gravité de la scène ? Une bouchée, et c’est fait, ça fond tout seul. Le Jura dans la bouche, sérieusement.
Quels sont les secrets des ingrédients phares ?
Pas question de prendre n’importe quoi. La poularde, ce n’est pas un poulet du dimanche attrapé à la va-vite, c’est celle qu’on choisit après avoir longuement tâté l’aile et scruté la peau sous la lumière de l’étal. Blancheur, fermeté, un duvet sur la chair qui annonce la liberté des prés. Le vin jaune ? Fascinant. Ses promesses de noix et de mystérieuses épices, rien d’ordinaire. Entre ses bras, la morille s’invite, parfois sauvage, presque rebelle. Les fraîches jouent la douceur, les séchées vous renvoient illico dans la mousse et les racines. Et la crème, ferme, épaisse, jamais dans la demi-mesure. Pas question d’utiliser ces versions allégées vaguement rachitiques. Chaque bouchée doit parler de la ferme, de la cave, de la forêt – la vacuité industrielle se repère à trois mètres.
Parfois, il faut un vin de garde, patient, presque sage, caché tout au fond, attendant son heure de briller. La poularde, celle de Bresse emblématique, hurle son prestige, mais une poule fermière locale fera le job, surtout si la tirelire hésite…

La préparation de la recette étape par étape
Pourquoi tant de monde panique-t-il avant de commencer ? Parce que rien n’est moins anodin qu’une poularde à mijoter : l’enjeu, le parfum, la famille qui attend… on transpire un peu en cassant les œufs pour la sauce !
La liste des ingrédients, version sans risques
Pour quatre à six, pourquoi alourdir la barque ? La sélection, c’est la force. La poularde entière, les morilles séchées, le vin jaune, la crème épaisse, les deux échalotes, le beurre, l’huile, le sel, le poivre, un bouillon de maison (s’il reste du coffre pour le préparer). Chaque gramme a sa raison d’être. Les esprits rationnels s’y retrouveront :
| Nombre de convives | Poularde (kg) | Morilles séchées (g) | Vin jaune (cl) | Crème entière (cl) |
|---|---|---|---|---|
| 4 | 1,2 | 40 | 30 | 30 |
| 6 | 1,8 | 60 | 40 | 40 |
Comment ne pas rater la cuisson ?
Qui n’a jamais eu peur de sécher la viande ou de massacrer la sauce ? L’angoisse universelle. Il faut d’abord penser aux morilles : réhydratation lente dans une eau tiède, passage soigné au tamis pour chasser la moindre miette de forêt (coucou le grain de sable qui attend sa revanche). Voici le ballet :
- Découper la volaille, bien séparer chaque pièce comme on détache les fils d’une pelote précieuse.
- Marquer à la poêle, dans ce duo beurre-huile, en visant la dorure parfaite, pas la morsure du feu.
- Composer la sauce : base d’échalotes puis arrivée du vin jaune, sans pavillon ni tambour, mais suivi de la morille, puis enfin la crème épaisse, tout doux…
- Mijotage sous surveillance : cocotte à demi-couverte, jamais de tempête dans la marmite. L’objectif, ce n’est ni la purée de volaille, ni la soupe insipide, mais ce velours grave et profond qui fait hocher la tête au premier coup de louche.
Pas d’à-peu-près, ici. On joue tout sur l’attention portée à la tendreté de la viande, au soyeux de la sauce. Le bouillon, c’est le joker si la volaille se sent à l’étroit : on ajuste, goutte à goutte, à l’oreille presque. Et la sauce ? Jamais liquide, jamais figée. Juste voluptueuse.
Comment obtenir une sauce onctueuse digne du Jura ?
Voilà probablement le moment où tous les esprits s’agacent, où la famille passe la tête à la cuisine pour voir si la sauce prend ou si l’apéritif devra durer. L’onctuosité, c’est cette promesse d’enfance retrouvée, cette chaleur qui arrondit la langue.
La règle d’or : pas d’excès, tout se gagne à la patience. Dessiner la sauce à feu doux, réduire. La crème, elle se glisse en dernière, avec la pudeur d’une invitée d’honneur. Parfois, un accident ? Un filet de fécule et tout s’arrange. Inutile de bétonner. Mieux vaut une sauce trop généreuse qu’un mortier indigeste. Assaisonnement en toute fin : le vin jaune a déjà imprégné son territoire, laissez le sel et le poivre tempérer la dernière minute. Quarante minutes, ce n’est pas négociable, le temps pour faire rêver la sauce. Nappez généreusement, ayez confiance. Il faudra bien ça pour apaiser ceux qui réclament déjà d’y tremper un croûton.
Le service et les accords gourmands
La scène s’apprête à changer de décor : place à la générosité, à l’art de recevoir. Comment faire honneur à tant de parfum ?
Quels accompagnements traditionnels ?
Qu’attend la sauce à votre avis ? Un tralala sophistiqué, des pyramides de légumes ou la pureté ? Eh bien non. La simplicité paie : riz blanc (quand il est bon) , purée de pommes de terre, petits légumes racines mijotés, voilà les alliés les plus loyaux. Parfois un gratin dauphinois passe par là, il tente de voler la vedette, mais tout le monde sait que l’important, c’est ce qu’il reste de sauce pour racler le fond avec une bonne tranche de pain toastée. Quelques téméraires gratinent jusqu’à la croûte, d’autres n’y voient qu’une excuse pour recommencer.
Accords mets et vins : passion ou raisonnable ?
Question fatale quand la cocotte entre dans la salle : quoi servir pour ne pas pêcher par excès d’audace ? Pour la plupart, le vin jaune s’impose naturellement, impossible de tricher sans être démasqué par tonton le connaisseur. Savagnin, Chardonnay du Jura parfois, un peu de créativité si l’humeur est à la découverte mais sans jamais travestir le plat. Mieux vaut privilégier la juste température : treize à quinze degrés, c’est l’idéal. Pour qu’il ne parte pas au galop ou se perde en arômes fuyants, à servir sans froideur, sans précipitation.
| Profil des convives | Vin recommandé | Alternative | Conseil de service |
|---|---|---|---|
| Amateur de puissance | Vin jaune du Jura | Savagnin ouillé | Carafé, 14°C |
| Public universel | Chardonnay du Jura | Arbois blanc structuré | Servi à 13°C |
| Curieux de sensations | Château-Chalon | Vin blanc oxydatif | Le laisser s’ouvrir |
L’accord idéal ne masque rien, il sublime, il offre ce que la rencontre entre plat et verre construit de souvenirs. Parfois, on se rate, souvent, le hasard offre la pépite. Fuyez la tyrannie du protocole au service, visez l’expérience, la véritable, celle où la sauce lie, où le rire libère.
Finalement, une poularde au vin jaune, c’est ce qui se transmet sans formule définitive, ce mélange d’exigence et de largesse, ce goût du partage où le Jura, même absent, finit toujours par arrondir la table. La vraie recette ? Elle n’appartient jamais qu’à ceux qui osent l’interpréter, la rater, la recommencer. Et ce soir-là, tout le reste attendra.



